Nous allons parler d'un des problèmes les plus important de toute la physique moderne. Notre univers est rempli d'énergie qui se manifeste sous forme de rayonnement et de matière (). Mais ce serait un peu plus compliqué que ça, il existerait une forme d'énergie que l'on appelle en mécanique quantique "énergie du point zéro" et en cosmologie "constante cosmologique" qui possède une nature un peu plus compliquée que du "simple" rayonnement et de la matière. Les physiciens l'appellent l'énergie du vide. Mais on verra que c'est un phénomène physique encore très mal connu et qui laisse beaucoup de questions sans réponse.
Il y a deux définitions de l'énergie du vide : une définition quantique à l'échelle de l'infiniment petit et une définition cosmologique à l'échelle de l'infiniment grand. Dans les deux cas je vais vous expliquer ce à quoi correspond l'énergie du vide et à la fin je vous expliquerai quel est le problème.
L'énergie du vide à l'échelle Quantique
La mécanique quantique est une théorie très complexe car elle part du principe que n'importe quel objet peut être décrit à l'aide de ce que l'on appelle une fonction d'onde. En gros, un électron peut être décrit à l'aide d'une fonction d'onde (vous pouvez lire mon article sur le modèle quantique de l'atome pour plus d'infos) c'est à dire qu'il possède une nature ondulatoire ou autrement dit, il obéit aux mêmes lois que les ondes. En fait, pour être correct, la mécanique traite les objets physiques comme des particules qui sont décrites mathématiquement comme des ondes.
C'est plus complexe que cela mais si je devais résumer la mécanique quantique en deux propriétés j'énoncerais la relation d'incertitude d'Heisenberg () qui postule que l'on ne peut pas connaitre à la fois la position et l'impulsion (~ analogue à la vitesse sur la masse en mécanique classique) de la particule, et la quantification de l'énergie. Une particule ne peut pas avoir n'importe quelle énergie, ses niveaux sont quantifiés c'est à dire qu'ils ne possèdent que des valeurs discrètes. Un électron autour d'un noyau possède des niveaux d'énergie qui sont quantifiés par exemple (cf. mon article sur l'atome (2)).
Et l'énergie du vide dans tout ça ?
Pour comprendre d'où vient l'énergie du vide, il faut étudier ce que l'on appelle le modèle de l'oscillateur harmonique. En mécanique classique, on représente un oscillateur harmonique comme une interaction masse-ressort. L'objet qui nous intéresse est la masse. Cette masse oscille entre un état énergie potentielle maximale - énergie cinétique minimale et un état énergie potentielle minimale - énergie cinétique maximale. Son énergie totale est constante et est donnée par la formule :

où est la masse,
son impulsion (
en mécanique classique seulement !) et
est la fréquence angulaire du système (fréquence
).
En mécanique quantique, on peut aussi représenter l'oscillateur avec un modèle analogue à la différence près que l'énergie n'est pas continue mais discrète. Elle est d'ailleurs donnée par la formule suivante :
où est la constante de Planck,
est la pulsation du système (~fréquence angulaire) et
est un indice particulier qui représente la quantification de l'énergie. On constate ici que les valeurs des positions et des impulsions ont disparues précisément parce qu'on ne peut pas les définir au sein de la même formule et elle on été remplacées par cet indice de quantification
.
En regardant cette formule de plus près, on se rend compte que cette énergie ne peut jamais être nulle alors que l'énergie de l'oscillateur harmonique classique peut l'être. L'énergie minimale de l'oscillateur harmonique quantique est donnée pour l'entier et vaut :
C'est précisément ce que l'on appelle l'énergie du point zéro en mécanique quantique.
Pour ceux qui ne seraient pas convaincus, j'ajouterais que le champ électromagnétique peut facilement être représenté comme un oscillateur harmonique quantique et que son énergie minimale n'est pas nulle. En fait le champ électromagnétique est défini par le couplage entre un champ magnétique et un champ électrique. On les écrit généralement de la manière suivante :
Ce qu'il se passe en réalité, c'est que la valeur moyenne des champs est nulle () mais ces valeurs fluctuent autour zéro ce qui prouve que l'énergie du système n'est pas nulle.
On se rend donc vite compte que le vide n'est pas vide mais qu'il est caractérisé par de nombreuses fluctuations aléatoires de plus ou moins grandes amplitude que l'on peut voir comme des particules qui se créent à partir de rien, interagissent avec la matière puis s'annihilent. Fascinant non ? 🙂
L'énergie du vide à l'échelle Cosmologique
A l'échelle Cosmologique, l'énergie du vide est représentée par ce que l'on appelle la constante cosmologique. En fait, pour comprendre de quoi il s'agit, il faut revenir aux débuts de la relativité générale. En 1915 Einstein cherche à décrire l'univers en se basant sur la théorie de la relativité générale. Il obtient alors une série d'équations qui décrivent un univers dynamique, or, Einstein est absolument contre l'idée que l'univers soit dynamique, il introduit alors une constante afin de rendre son univers statique. Seulement en 1929, les observations d'Edwin Hubble montrent que l'univers n'est pas statique. Effectivement, le physicien observe que les objets lointains subissent un décalage vers le rouge (redshift) suivant une loi linéaire (c'est la loi de Hubble, vous trouverez plus d'informations sur mon article qui traite de la mesure des distances stellaires). En gros, plus ils sont loin et plus ils s'éloignent vite.
A défaut de dire que la théorie de la relativité ne fonctionne pas, on préfère dire que c'est l'univers qui est en expansion. Einstein regrettera amèrement d'avoir proposé cette constante n'y voyant plus aucune utilité. Mais ce qu'il ne sait pas aujourd'hui, c'est que sa constante permet très bien de décrire l'accélération de l'expansion de notre univers. Celle-ci à la dimension d'une force et est donc associée à une énergie.
Il y a donc une forme d'énergie qui appartient non-pas à la matière baryonique, ni au rayonnement mais bien au vide et dont l'action s'oppose à celle de la gravité. Et cette force se manifeste de plus en plus à mesure que les distances entre les objets sont grandes. Les mesures faites en 2013 par le satellite Planck nous donnent une estimation de la constante de Hubble qui décrit la vitesse d'expansion de l'univers. On a .
En gros, une galaxie située à 1 millions de parsecs (~ mètres) s'éloigne de nous à une vitesse de
. Et plus elle s'éloigne, plus elle s'éloigne vite. Et ce malgré la force de gravitation qui tend à nous rapprocher d'elle !
Le problème maintenant
Je vous ai expliqué d'où venait l'énergie du vide au sens de la mécanique quantique, je vous ai également dit d'où venait l'énergie du vide au sens de la cosmologie. Nous avons donc deux théories radicalement différentes qui proposent toutes les deux l'existence d'une forme d'énergie qui appartient au vide ou du moins dont la source est inconnue. Il est alors logique de penser que ces deux énergies sont en fait qu'une seule forme d'énergie, c'est d'ailleurs ce que font la plupart des physiciens. Seulement il y a là un très très gros problème ...
- Lorsque les cosmologues font le calcul de la densité d'énergie du vide (quantité d'énergie par unité de volume), ils obtiennent une densité
.
- Lorsque les physiciens de la mécanique quantique font leur calcul de leur côté, ils obtiennent une densité
.
Il y a un facteur entre les deux calculs de la densité d'énergie du vide !
Ce facteur entre le calcul de l'énergie du vide à l'échelle de l'infiniment petit et l'infiniment grand montre bien qu'il y a quelque chose qui cloche dans la physique actuelle. Il pourrait également expliquer pourquoi nous n'arrivons pas à lier modèle standard des particules et gravitation.
C'est un des problèmes les plus importants de toute la physique qui promet de donner au physiciens du fil à retordre pendant pas mal d'années encore je pense 🙂
Je trouve personnellement le sujet extrêmement intéressant alors je ferai d'autres articles sur le même thème un peu plus tard. Entre temps, j'espère que cet article vous a plus, si vous avez des commentaires à faire n'hésitez pas. Et si vous le pouvez, faites un petit don pour soutenir le site 🙂
12 commentaires sur “Le problème de l'énergie du vide”
Bonjour Loann
J'ai pondu une nouvelle approche de la question où "L'énergie du vide à l'échelle Quantique" serait u maximum et où il existerait en plus une valeur minimum toujours avec le même facteur en 10^122 autour de "L'énergie du vide à l'échelle Cosmologique"
https://www.scienceforums.net/topic/118858-the-solution-of-the-cosmological-constant-problem/
merci pour ton retout
Franchement super article. Je suis un passionné de physique (meme si je ne comprends pas tout) depuis que j'ai découvert Etienne Klein et Roland Lehoucq. En tout cas c'est un super travail et c'est vraiment bien que des personnes comme toi partage ses connaissances.
Super blog !
Avec l'achevement de la construction du Grand collisionneur de hadrons, et sa mise en route, les scientifiques esperent pouvoir en apprendre plus sur cette « energie du vide ».
Super article continue
Bonjour, loan
j'ai énormément simplifié mon approche de la question pour la rendre plus facile a appréhender
certes il faut être un peu spécialiste de la question pour comprendre la présentation (je n'ai pas détaillé la définition de toutes les valeurs),
le lien : https://www.scienceforums.net/topic/115191-a-simply-way-to-understand-the-vacuum-catatastrophe/
la catastrophe du vide viendrait d'un switch entre l'inverse de la longueur de Planck au carré et la valeur de la constante cosmologique en m^-2, dans le calcul de la densité volumique d'énergie du vide quantique : l'inverse de la longueur de Planck au carré serait erronée ; il faut prendre la valeur de la constante cosmologique en m^-2 pour égaliser la densité volumique d'énergie de la constante cosmologique dans la "formule quantique de la densité volumique d'énergie".
en espèrant que cette fois ce sera nettement plus abordable
cordialement
stéphane
Désolé pour cette réponse si tardive ! Je suis allé sur le forum et lu ton raisonnement. Il y a quelque chose qui me chagrine. Comment peux-tu dire que la constante cosmologique est égale à l'inverse de la longueur de Planck au carré ? C'est précisément de là que vient la dissonance entre la théorie quantique des champs et la cosmologie. Dans le premier cas, l_p correspond à la longueur de décohérence du vide à l'énergie du point zéro tandis que dans le second cas, la longueur associée à la constante cosmologique est liée au rayon de courbure de notre univers. Je ne vois à priori pas de lien physique entre les deux.
Je ne suis pas un expert dans ce domaine mais je pense que le problème vient du fait que la pression au sens cosmologique du terme est mal définie. Et la réponse se trouverait dans le fait que la courbure de l'univers n'est pas fermée, ouverte ou plate mais localement parsemée de fluctuations quantiques. A ce moment là la valeur de la constante cosmologique serait différente, mais encore faut-il la redéfinir et la calculer ... .
Merci pour ton commentaire,
Loann
Bonjour Loann
Aucun soucis par rapport à ton délai de réponse. à te lire j'ai réinventé l'eau chaude ^^
Merci pour ta réponse
Cordialement , Stéphane
Bonjour Loann
Le sujet me passionne aussi depuis pas mal de temps. J'ai détaillé ma meilleure approche de la solution à ce problème sur ce post :
http://forums.futura-sciences.com/physique/736297-question-unite-j-versus-m-2-a-2.html#post5978304
et je l'ai mis aussi sur un forum américain ici (où une esquisse de recherches complémentaire pour la valider a été suggérée par Mordred) :
http://www.scienceforums.net/topic/109635-the-end-of-the-quantum-vacuum-catastrophe/
Je serais très intéréssé de lire votre réaction.
Cordalement,
Stéphane
Bonjour Stéphane, je te répond enfin après une bonne semaine. Désolé pour l'attente.
J'ai regardé ton calcul mais il y a des choses que je ne comprend pas bien. Dans un premier temps tu calcules la densité d'énergie de Planck par unité de Planck. Ensuite, tu calcules la densité d'énergie de la constante cosmologique concentrée dans un volume de Planck. Enfin tu multiplie cette énergie par le rapport de l'énergie de la constante cosmologique (totale) sur l'énergie du vide quantique (dans un volume de Planck). Je me trompe ?
Tu obtiens un rapport assez faible (10^-10 J/m^3) et après tu parles d'une égalité parfaite avec la densité moyenne d'énergie par unité de volume de la constante cosmologique.
Je te répond ce que j'en déduis d'après ce que j'ai compris. Si je me trompe dis le moi.
On appelle E_l : énergie totale de la constante cosmologique, E_q : énergie quantique totale du vide, lp : longueur de Planck. Dans ton document, je comprend ta dernière phrase comme la relation suivante (à un 8pi près) :
(E_l^2/lp^6)*(lp^3/E_q) \propto E_l/1m^3 ce qui implique que E_l/E_q \propto lp^3/1m^3 = 4.10^-105.
C'est "proche" de 10^-120. Je n'ai probablement pas compris ton raisonnement mais comme ça je ne vois pas en quoi ça résout le problème de l'énergie du vide.
Dans l'attente de ta réponse 🙂
Bonjour Loann
hola, je m'attendais pas à une réponse si rapide, merci pour ton hyper réactivité au vu tes occupations 🙂
bon je vais essayer de détailler :
"...Ensuite, tu calcules la densité d'énergie de la constante cosmologique concentrée dans un volume de Planck. Enfin tu multiplie cette énergie par le rapport de l'énergie de la constante cosmologique (totale) sur l'énergie du vide quantique (dans un volume de Planck). Je me trompe ?...."
- Cette "énergie de la constante cosmologique 'quantique' ad hoc" est calculée dans le contexte de la mécanique quantique avec (\omega) = (\Lambda)^0,5 . La valeur de la constante cosmologique, \Lambda étant en seconde^(-2). E_l"quantique" pour le contexte quantique =7,6*10^52 Joules /m^3, ce qui n'est pas le calcul "habituel", celui du cadre du modèle LambdaCDM.
On peut noter à ce stade que la division par lp^3 des deux parties de la première égalité n'est là que pour obtenir une densité d'énergie par volume. des deux cotés de l'égalité
"...Enfin tu multiplie cette énergie par le rapport de l'énergie de la constante cosmologique (totale) sur l'énergie du vide quantique (dans un volume de Planck). Je me trompe ?..."
- Je suis pas sûr de comprendre.
Le calcul suivant est fait pour revenir sur la valeur de \Lambda, en s^(-2), ce qui suppose que l'on peut faire le carré de "la densité d'énergie de la constante cosmologique quantique ad hoc" on obtient des Joules^2/m^6 (environ 6*10^105)
"...Dans ton document, je comprend ta dernière phrase comme la relation suivante (à un 8pi près) :
(E_l^2/lp^6)*(lp^3/E_q) \propto E_l/1m^3 ce qui implique que E_l/E_q \propto lp^3/1m^3 = 4.10^-105...."
- Je ne comprends ce que veux dire "\propto".
- remplaces "E_l : énergie totale de la constante cosmologique" par "E_l : énergie totale de la constante cosmologique ad hoc de la mécanique quantique avec \omega= Lambda^1/2 avec Lambda est en s^-2"
dans (E_l^2/lp^6)*(lp^3/E_q)
et si j'ai bien expliqué ton "implique" ne s'applique pas : tu trouveras la densité d'énergie volumique de la constante cosmologique cette fois dans le modèle LambdaCDM, soit 5,4*10^(-10) Joules / m^3 (à 8pi près)
on a plus cette monstrueuse erreur de 10^122... en passant par l'énergie totale de la constante cosmologique ad hoc de la mécanique quantique ;_)
si j'ai bien compris ton calcul ton "E_l/E_q \propto lp^3/1m^3 = 4.10^-105." correspond pour moi à 1/ "E_l : énergie totale de la constante cosmologique LambdaCDM", divisé par "E_q : énergie quantique totale du vide/p^3" et j'ai bien moi aussi 4*10^-105
J'espère ne pas t'avoir plus embrouillé lol.
Bonjour, très intéressant article, merci 🙂
Je découvre votre blog à l'occasion d'une recherche sur le net à propos justement de ce hiatus entre la densité d'énergie du vide calculée selon l'approche quantique vs cosmologique.
Excellente idée d'aborder ainsi les grands classiques et les thèmes récurrents qui s'invitent souvent dans les discussions entre curieux des sciences de l'univers (mon job est de vulgariser l'astronomie-astrophysique sans raconter si possible trop d'âneries, aussi suis-je toujours à la recherche de nouvelles façons d'aborder simplement - autant que possible - ces sujets parfois ardus ; votre blog est une mine d'or pour le vulgarisateur, soyez-en remercié ;))
Au passage je me permets de vous signaler une petite coquille ici :
"En gros, une galaxie située à 70 millions de parsecs (~3\times10^{16} mètres) s'éloigne de nous à une vitesse de 70km.s^{-1}."
Il s'agit naturellement d'une galaxie située à 1 million de parsecs 😉
Cordialement,
A.M.
Bonjour Alain,
Je vous remercie du compliment, je ne fais que de retranscrire d'une manière plus simple et intuitive les principales notions de physique que j'apprends au cours de mes études.
Puis-je vous demander quel travail faites vous si ce n'est pas trop personnel ?
J'ai corrigé l'erreur, je vous remercie.
Cordialement,
Loann