Pourquoi le ciel est noir ?

Voilà une question qui mérite d'être posée ! Après tout, il aurait pu être d'une autre couleur non ? Il aurait aussi pu être blanc ! Mais pourquoi le ciel est-il noir la nuit ?

Avant de répondre à cette question, je voudrais apporter quelques précisions afin d'éviter toute confusion. Par ciel, j'entends ce que l'on observe autour de nous en l'absence de l'atmosphère terrestre. En effet, le gaz contenu dans notre atmosphère va avoir tendance à diffuser la lumière incidente (surtout de jour) et donner à notre ciel une couleur bleue. Si notre planète n'avait pas d'atmosphère, même de jour le ciel serait complètement noir !

Pour comprendre pourquoi le ciel est noir, il faut déjà comprendre dans quoi notre planète, notre système solaire, notre galaxie baignent ... 

Imaginez qu'une nuit vous vous trouvez dans un milieu loin de toute pollution lumineuse et bien dégagé de manière à ce que vous puissiez voir tout le ciel. Ce soir là il n'y a pas de lune, il fait parfaitement beau et surtout il n'y a pas un brin d'humidité dans l'air ni de poussières, des conditions parfaites pour regarder le ciel. Vous levez les yeux, et là vous observez des points blancs lumineux sur un fond noir. Ces points ce sont des étoiles. Mais pas n'importe lesquelles ... Ce sont des étoiles qui se trouvent très très proches de nous, c'est à dire qui sont nos voisines dans la galaxie. On en observe entre 3 000 et 6 000. En été, on peut aussi apercevoir une large bande blanche et floue qui traverse le ciel. Cette bande est en réalité constituée d'étoiles. Il y en a tellement qu'il est impossible de les voir comme des points lumineux. Ce que l'on voit c'est notre galaxie par la tranche.

Sur cette magnifique photo du ciel prise depuis la vallée de la mort aux Etats-Unis, on peut observer la Voie Lactée en couleurs largement saturées. Les points blancs distincts représentent les étoiles qui sont voisines de notre soleil tandis que les taches blanches appartenant à la voie lactée représentent les étoiles lointaines mais qui se trouvent quand même dans notre galaxie. Les assombrissement que l'on observe dans la bande blanche sont en revanche dues à la présence de nuages moléculaires opaques. [Source : Pinterest]

Si vous avez de bons yeux et le sens du détail, vous pouvez aussi apercevoir dans un coin du ciel une seconde tâche blanche beaucoup plus petite et plus faible qui a la forme d'une ellipse. Vous regardez enfaîte la galaxie d'Andromède (M51) qui est la galaxie la plus proche de notre chère Voie Lactée. Et puis généralement c'est tout ce que vous pouvez voir à l'oeil nu ... .

Pour voir la galaxie d'Andromède, il faut s'armer de patience. Sa luminosité est extrêmement faible. Pour l'observer à l’œil nu, il ne faut pas la regarder directement mais regarder légèrement à côté car nos yeux deviennent beaucoup plus sensibles. [Source : ESO]

Mais les points blancs et les tâches blanches ne constituent qu'une toute petite fraction du ciel. En réalité la majeure partie du ciel de nuit est constituée ... de noir.

Les plus téméraires d'entre vous oseront penser que si l'on observe les zones noires avec un télescope on observera des points et des tâches lumineuses à cet endroit qui était noir à l’œil nu. Et vous avez raison ! Mais même avec un télescope vous observez que la majorité du ciel est ... noir.

Alors vous me répondrez certainement qu'on peut prendre un télescope encore plus gros et que dans les zones noires on finira par observer des points et des tâches lumineuses. Et vous avez raison ! Mais vous verrez que là aussi la majorité du ciel est ... noir.

Du coup vous avez peut-être envie de me faire imaginer que si on prenait un télescope infiniment gros qui permet d'observer le ciel de manière extrêmement précise on finirait par ne plus observer de zones noires puis-qu’à chaque fois il y aurait des objets lumineux à voir...  . Et c'est là que je ne suis pas d'accord avec vous. Ce dont vous ne vous doutez probablement pas c'est que plus vous allez prendre un télescope gros pour observer le ciel, plus la quantité de zones noires dans le ciel va devenir importante ! Paradoxal non ? 🙂

Parlons de notre univers ...

L'univers c'est quoi ? Ce n'est pas une mince affaire de définir ce qu'est notre Univers. On se trouve là aux limites entre la physique et la métaphysique. De manière très grossière on pourrait définir notre univers comme l'espace qui contient tout ce qui existe ainsi que les lois physiques fondamentales.

En pratique, notre planète se trouve dans un système solaire, qui se trouve dans une galaxie. Cette galaxie cohabite avec d'autres galaxies dans ce que l'on appelle un amas de galaxies. Cet amas cohabite avec d'autres amas de galaxies dans ce que l'on appelle un super-amas de galaxies. Si l'on dé-zoome encore on finit par observer une structure filamenteuse qui fait étrangement penser aux structures nerveuses qui composent notre cerveau. On parle alors de l'univers local. Si l'on regarde encore plus loin il commence à se passer des choses bizarres qui pourraient être sujettes à un nouvel article. 🙂

Mais le concept d'univers ne s'arrête pas aux objets qui nous entourent. En effet l'espace et le temps qui contiennent l'ensemble des objets de l'univers ont des propriétés très particulières. Si vous voulez étudier la question plus en détail je vous invite à lire mon article sur la cosmologie moderne. Les modèles standard de la cosmologie moderne postulent pratiquement tous que notre univers a émergé il y a environ 13.7 milliard d'années du néant et que l'espace et le temps s'étendent de manière inéluctable et ce de plus en plus rapidement. On dit que notre univers est dans une phase d'expansion accélérée ... .

Cette figure représente l'évolution de la taille de notre univers au cours du temps. La courbe à regarder est tracée en tirets noirs (Planck Data). Le ratio représente en quelque sorte la taille "normalisée" de notre univers. On observe qu'initialement notre univers a connu une expansion très rapide qui a ensuite ralenti. Aujourd'hui cette expansion accélère de nouveau. La taille de l'univers augmente au cours du temps et ce de plus en plus vite. [Source : Physique & Réussite]

En pratique, cela veut dire que plus deux objets sont éloignés spatialement l'un de l'autre, plus la vitesse à laquelle ils s'éloignent l'un de l'autre augmente. Pour comprendre ce concept, on peut imaginer que notre univers est représenté par la surface d'un ballon de baudruche que l'on est entrain de gonfler de plus en plus rapidement. Chaque objet est un point placé à la surface de ce ballon. Deux points proches vont s'éloigner doucement l'un de l'autre tandis que deux points éloignés vont s'éloigner très rapidement l'un de l'autre.

La première personne à avoir observé cet effet expérimentalement est le physicien Edwin Hubble. Il a regardé des objets situés à différentes distances de notre galaxie et pour chacun, il a observé la vitesse à laquelle il s'éloigne de nous. Il a alors obtenu une relation linéaire liant la distance nous séparant d'un objet () à la vitesse à laquelle il s'éloigne de nous (). Cette loi porte le nom de loi de Hubble et s'écrit :

est ce que l'on appelle le paramètre de Hubble et vaut environ . Cette loi nous dit par exemple qu'un objet situé à s'éloigne de nous à une vitesse de . Cette loi n'est cependant valable que pour les objets proches, lorsqu'on regarde un peu plus loin c'est un peu différent, je vous montre ça plus loin. 🙂

Pour en revenir à notre histoire, lorsqu'on scrute le ciel avec notre télescope, lorsqu'on observe les zones noires au télescope les objets que l'on voit apparaître sont généralement situés de plus en plus loin de nous car leur luminosité est plus faible (mais paradoxalement il y en a de plus en plus donc le flux lumineux doit rester le même). Et par conséquent ils s'éloignent de plus en plus vite de nous.

Mais quel est le rapport avec le fait que si l'on regarde des objets lointains on ne peut pas les observer ?

Patience, j'y viens !

La réponse se trouve dans le redshift ...

Le redshift c'est quoi ?

Encore une fois, pour les plus déterminés je vous invite à lire mon article sur les mesures de distances stellaires (2) - méthode du décalage spectral. Vous pouvez y aller il est court. 😉

Nous avons tous un jour entendu la sirène d'un camion de pompier. Et on s'est tous rendu compte que lorsque le camion s'approche de vous à toute vitesse il émet un son plutôt aigu, de haute fréquence (petite longueur d'onde). Puis lorsqu'il vous double et qu'il s'éloigne de vous il émet soudainement un son grave, de basse fréquence (grande longueur d'onde). C'est ce que l'on appelle l'effet Doppler-Fizeau. Cet effet consiste en un décalage en fréquence de l'onde sonore entre son lieu d'émission et son lieu de réception dans le cas où la distance entre l'émetteur et le récepteur varie au cours du temps.

La lumière n'étant rien d'autre qu'une onde électromagnétique, elle est aussi sujette à cet effet. Supposons d'un objet lumineux émet une lumière monochromatique de longueur d'onde :

  • Si l'objet s'approche de nous alors , l'objet bleuit : on parle de décalage vers le bleu ou de blueshift.
  • Si l'objet s'éloigne de nous alors , l'objet rougit : on parle de décalage vers le rouge ou de redshift.
Voici un exemple de l'effet Doppler-Fizeau. Supposons qu'une étoile émette une raie à la longueur d'onde . Si cette étoile est fixe par rapport à l'observateur, la longueur d'onde observée sera la même que celle émise. Si en revanche cette étoile s'éloigne de nous à la vitesse , la lumière sera reçue à la longueur d'onde c'est à dire qu'elle sera légèrement redshiftée. Si cette étoile se rapproche de nous à la vitesse , la lumière sera reçue à la longueur d'onde c'est à dire légèrement blueshiftée. [Source : Physique & Réussite]

Il existe une formule qui permet de calculer la longueur d'onde en fonction de la longueur d'onde d'un objet dont on connait la distance . Je vous l'épargne. En revanche je vous montre l'évolution de la distance entre deux objets en fonction du décalage spectral que l'on souhaite.

[Source : Physique & Reussite]

Dans ce cas, il ne faut regarder que la courbe verte qui représente le cas relativiste.  L'ordonnée représente la distance séparant l'émetteur du récepteur en tandis que l'axe des abscisses représente le rapport correspond à la longueur d'onde de la lumière émise tandis que représente la longueur d'onde de la lumière telle qu'elle est perçue par le récepteur.

Par exemple, si un objet émet une raie lumineuse située à (entre l'ultraviolet et le bleu), et qu'il se trouve à de nous, on observera cette même raie mais à   c'est à dire dans le rouge.

Que peut-on déduire de ce résultat ?

Ce que l'on voit c'est que plus on regarde loin dans notre univers plus la lumière émise par les objets lumineux est redshiftée. La lumière émise est tellement rougie que même avec de puissant télescopes il n'est plus possible d'observer ces objets lointains.

Vous comprenez maintenant ?

Plus votre télescope sera précis, plus vous pourrez observer des objets lointains. Et plus les objets sont lointains, plus la lumière qu'ils émettent est redshiftée. Et donc moins ils sont visibles. Donc plus le télescope que vous utilisez est "précis", plus la quantité de zones noires dans le ciel est importante ... 

Finalement on se rend compte que la partie sombre de notre ciel est bien plus complexe que l'on ne le pense. Ce noir est dû au fait que plus les objets sont loin plus la longueur d'onde de la lumière qu'ils émettent est grande.

J'espère que vous avez maintenant compris que ce n'est pas si évident que ça que notre ciel est noir ! 🙂

Quelle serait la couleur du ciel si notre univers évoluait différemment ?

Je vous ai précédemment dit que notre univers est dans une phase d'expansion accélérée ... Le ciel est noir car la lumière des objets lointains est redshiftée.

Et si notre univers était statique ?

Si la distance moyenne entre les objets ne variait pas, la lumière reçue par les objets lointains ne serait pas redshiftée. Il est possible cependant qu'une partie de cette lumière soit absorbée par le gaz et les différents objets situés entre la source et nous, mais la couleur reçue ne changerait pas. En conséquence la couleur du ciel que l'on observerait serait essentiellement blanche diffuse et bien lumineuse (même de nuit).

Et si notre univers était en contraction ?

Ce cas-ci décrit la situation inverse à un univers en expansion. C'est à dire que la distance moyenne entre les objets diminue au cours du temps. Et dans ce cas, sortez la crème solaire ! Vous en aurez besoin de jour comme de nuit ! Toute la lumière que l'on recevrait serait décalée vers le bleu et serait donc très énergétique. Notre ciel serait d'un blanc éclatant virant plus ou moins vers le bleu en fonction des propriétés de contraction de notre univers.

 

Bien que la couleur de notre ciel nocturne nous est familière, son explication est bien plus complexe que l'on ne le pense. A priori rien ne nous prouve que le noir est la couleur qui doit s'imposer. C'est seulement grâce à l'avènement de la cosmologie moderne au siècle dernier qu'il a été possible de trouver une explication qui tient la route. J'espère maintenant que vous regarderez le ciel d'un autre œil ! 🙂 

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Autres explications (ou règlement de compte) :  

Que ce passe-t-il vraiment lorsqu'on regarde des objets très loin de nous ? Dans l'article je vous ai dit que la lumière qui nous parvient est redshiftée car notre univers est en expansion accélérée. Mais ce n'est pas tout ! Vous savez probablement que la vitesse de la lumière n'est pas infinie, elle est de environ . Donc lorsqu'on regarde un objet lointain, on le voit tel qu'il était il y a : le temps que la lumière a mis pour partir de cet objet et venir à nos yeux. Par exemple, le Soleil se trouve à de la Terre. Avec un simple calcul on peut montrer que la lumière du Soleil met environ 8 minutes et 20 secondes pour nous parvenir. Si le Soleil devait disparaître, on ne le saurait que 8 minutes et 20 secondes après.

Lorsqu'on regarde des objets beaucoup plus lointains dans des zones bien plus sombres de notre ciel. On aperçoit notre univers tel qu'il était il y a très longtemps. Plus les objets que l'on observe sont lointains, plus on les observe dans leur passé. En utilisant de bons instruments, il est possible d'observer l'univers lorsqu'il était beaucoup plus jeune. C'est ce que de nombreux télescopes ont fait. Le dernier en date s'appelle Planck et a mesuré ce que l'on appelle le rayonnement fossile du fond diffus cosmologique (CMB en anglais : Cosmic Microwave Background).

Voici une carte du fond diffus cosmologique (CMB) de notre univers. Cette dernière est obtenue en mesurant l'intégralité du flux lumineux issu du ciel auquel on a soustrait toutes les sources lumineuses pour ne laisser paraître que le "bruit". Il est représenté ici en fausses couleurs associées aux fluctuations de température. Bien que le CMB soit extrêmement homogène, il présente ce que l'on appelle des anisotropies de température qui sont à l'origine de nombreuses études pour comprendre l'histoire de notre univers. [Source : Mission Planck]
Je pourrai vous en parler plus en détail dans un prochain article mais grosso-modo le CMB correspond à une phase chaude de l'univers ou la lumière s'est découplée de la matière et a rendu l'univers translucide tel qu'on le connait aujourd'hui. Ce phénomène s'est opéré environ 380 000 ans après le Big-Bang (aujourd'hui notre univers en a 13.7 milliard) et à cette époque la température de l'univers était de environ . Le CMB étant connu pour être un très bon corps noir, la couleur associée à sa température aurait dû se trouver dans le visible (entre le jaune et le rouge). Seulement nous l'observons non-pas en couleur visibles mais dans le domaine des micro-ondes et la température associée est de .

Le CMB est l'objet le plus lointain et le plus ancien que l'on peut observer dans notre univers. Il est sujet à de très nombreuses études dans le but de comprendre les propriétés et raconter l'histoire de notre univers. Et il est évident qu'à nos yeux il est invisible, il est ... noir.

Longueur
Pertinence
Difficulté
Total